Disparaître

15 septembre 2019 29 septembre 2019

Disparaître est une création collective, sous forme de concert-spectacle.
Trois comédiens et trois musiciens racontent ensemble la disparition mystérieuse d’une jeune femme le soir de son mariage.
La temporalité se diffracte, la réalité se distord, l’espace s’émeut.

PRÉSENTATION DU PROJET :

Comment survit-on à la disparition d’un être cher ? Comment continue-t-on à vivre face à l’impensable, l’inexplicable ? Par quelles fables, quels mensonges s’explique-t-on un événement fantastique ? Comment la disparition d’un être peut-elle faire trembler un village entier, jusqu’à faire imploser son équilibre ?

C’est comme si l’histoire était dictée par un principe invisible : la disparition de Thelma. C’est elle qui permet à la fiction d’exister, qui permet aux autres protagonistes de se situer, se re- situer, de dévoiler leur véritable identité. Elle est le principe qui va guider les différents épisodes et souder tous les personnages ensemble. Elle est un sacrifice au sens rituel, elle redémarre un cycle.

La petite ville de Froidefontaine est prise dans un ensemble de circonstances qui fait basculer ses habitants dans le témoignage. Le souvenir de Thelma survit parmi les vivants, il les hante. Thelma sera toujours vue en souvenir ou en rêve, mais jamais de manière réelle. Son absence la rend paradoxalement encore plus présente qu’avant. C’est ce manque là, cette présence hurlante de l’absence que nous voulons raconter.

Paradoxalement, la violence de cette disparition laisse place à une certaine forme de beauté, de re-naissance. Dans notre spectacle, il n’y a pas de « petit villageois ». Chacun est aussi important qu’un autre. Malgré la douleur et la violence inéluctables, la disparition de Thelma offre à chacun la possibilité de se repositionner dans sa façon d’être au monde, d’envisager l’existence sous des formes nouvelles, obscures ou lumineuses. C’est un peu comme si les villageois se réveillaient d’un grand sommeil.

Nous avons choisi d’établir l’histoire à Froidefontaine, une petite ville de Bourgogne, près de Belfort, dans laquelle un événement surnaturel a réellement eu lieu en 2012.

Une mère de famille, aide a domicile, a été l’objet d’attaques fréquentes, de plus en plus graves, de la part d’un grand corbeau noir. Les mystérieuses attaques ont eu lieu alors que la jeune femme se trouvait seule, et en campagne. Cette affaire a pris des proportions conséquentes, à tel point que la préfecture a mis en place un arrêté préfectoral d’urgence pour abattre le volatile.

Ce fait divers nous a inspiré pour la construction de notre récit, et nous a permis de creuser ce que peut être l’intrusion d’un élément fantastique dans le quotidien d’une bourgade tranquille.Dans notre histoire, le réel nous échappe, il est difficile à identifier.

Thelma semble avoir été enlevée par un corbeau, le jour de son mariage. Les protagonistes semblent si directement aux prises avec le fantastique qu’il sera permis de se demander si celui-ci a une existence indépendante et autonome, ou bien s’il résulte d’un besoin irrépressible de l’esprit humain. Les frontières entre naturel/surnaturel, vie/mort, science/magie sont brouillées.Face à l’inexplicable (l’enlèvement par un corbeau), les sens deviennent incertains, la confiance en nos impressions et notre mémoire est remise en cause. La charge poétique de l’inexplicable nous semble inépuisable, et ce sont ces territoires-là que nous voulons explorer. Que fait-on, comment réagit-on lorsque le fantastique se dresse devant soi ? comment le nier ? comment notre perception du monde s’en trouve-t-elle bouleversée ?

Chacun vient raconter sa version des faits, sa façon de faire face à l’inexplicable.Quand nous avons commencé le travail, la notion de vérité en tant qu’entité impalpable et indéfinissable est très vite apparue. La vérité ne se trouve jamais, sa quête est sans cesse reconduite. C’est comme si « la chose en soi » n’existait pas, comme si chaque masque en cachait un autre, comme si derrière le chaos des apparences, il n’y avait que des interprétations. « Disparaître » raconte cette façon que nous avons de nous raconter des histoires, des mensonges.Dans les discours des personnages interrogés, ainsi que dans la façon de mener l’enquête des inspecteurs, nous aurons à faire à des souvenirs, à des fantasmes, à des interprétations du réel.

Comme dirait P. Gripari : « Imaginer, c’est déjà la moitié de croire. Imaginer, même sans être dupe, donne l’impression de posséder je ne sais quelle liberté impossible, une sorte de pouvoir souverain sur le monde. Communiquer le fruit de son imagination, c’est en quelque sorte susciter chez autrui une représentation du monde qu’on a crée, l’obliger, d’une certaine manière, à y vivre. Tout cela est agréable, et même très agréable, parfois même franchement voluptueux. ».

Ce sont ces histoires, ces récits que nous voulons offrir aux spectateurs, dans ce qu’elles ont de plus humain, de plus fantasque et de plus bouleversant.« Disparaître » est construit comme un feuilleton en 4 épisodes, d’une trentaine de minutes chacun. Le format « série » nous a paru le plus adéquat pour infuser un temps long dans l’esprit et l’expérience du spectateur.