CHÈRE NUIT GRIS-BLEU

23 avril 2018 02 mai 2018

Clément Delpérié et Thomas Délpérié travaillent sur leur projet « Chère nuit gris-bleu », une création inspirée de « Dehors devant la porte », de Wolfgang Borchert. C’est leur dernière résidence avant une présentation à La Loge (Paris 11e) du 5 au 8 juin 2018.

Le masque, le nez, se grimer, en lambeaux, dans une littérature en ruine, au milieu de villes-mondes, dans le désastre politique, écologique, économique, prendre une pierre, un mot, une rime, un vers, et les jeter en plein dans la gueule des murs qu’on érige, ne pas attendre la catastrophe, elle est là, devant nous, enjamber les gravas, souffler sur la poussière, réveiller les morts, une bonne fois, crier, n’avoir en patrie que l’enfance, et se rendre compte que ce n’était pas des cailloux devant lesquels on est passé, il y a deux phrases, mais le corps d’un vieillard sans vie, ah oui, mince, tant pis, à qui la faute hein, on savait pas, on avait pas su, on aurait jamais cru, puis pas coupable et à qui la faute, suis pas responsable, moi. De guerre lasse, c’est un concert, une poésie, un débit à la Kerouac, à la Ginsberg, une BOMB, un KADDISH, un solo, une errance, une partition morbide, un sombre pressentiment, une joie non mesurée, une effervescence comme un MAGNUM de pétards, une logorrhée, un concerto de RACHMANINOV, une kalach… Il y a là deux personnes. Un nez rouge, et un autre là, un drôle de musicien qui joue dans les ruines les derniers sons possibles, puisqu’il n’y a plus rien… Il n’y a plus rien de la ville qu’on connaissait, elle a été détruite, il n’y a plus que du dehors, indivisible, étendu, et puis, quelques restes, quelques objets perdus, et un clown, et c’est là qu’ils sont. Mais si, lui, le clown, il veut croire qu’il y a bien quelque chose puisqu’ils sont là, puisqu’ils sont bien vivants là au milieu des ruines, et que quand il tape ou gratte ça fait un son et ça fait que l’autre aussi il crie et cherche encore, et se marre, et essaye de se suicider, et avance, quand même, malgré, tout, voilà. Qu’est-ce qu’on écrit sur les murs de notre monde ? Qu’est-ce qu’on murmure sur des ruines ? Qu’est-ce qu’on fait comme blagues quand les morts sont bien plus nombreux que les vivants ? Qu’est-ce qu’on crie sur les bâtiments de notre vie ? De nos villes ? C’est quoi être responsable ? Ça veut dire quoi avoir la responsabilité ? C’est quoi la terre mère ? C’est parce que c’est plus joli qu’on l’appelle patrie ? Qu’est-ce qu’il reste quand il n’y a plus rien ?